Les “gray rhinos”

Les “gray rhinos”

1Le gray rhino (rhinocéros gris) représente un danger que nous pouvons identifier mais face auquel nous restons inertes, incapables de réagir, comme face à un rhinocéros prêt à charger.

2Ce concept a été développé par Michèle Wuckler lors d’une intervention à Davos en 2013 puis dans son essai “The Gray Rhino” paru en 2016. En tant que journaliste, Michèle Wuckler a couvert la crise argentine de 2001 et la crise grecque en 2015. A chaque fois, elle a pu constater que des signaux forts annonçaient ces événements mais qu’aucun des dirigeants en place n’a voulu agir.

3Gray rhino et black swan. Le gray rhino vient enrichir l’imagerie animalière des crises, rejoignant le black swan théorisé en 2007 par Nassim Nicholas Taleb. Les black swans sont des risques improbables, par définition totalement imprévisibles. A l’inverse, les gray rhinos sont des risques prévisibles que nous refusons de voir. Pour rester dans la métaphore animalière, citons son proche cousin : l’éléphant dans le salon. 

4La pandémie a relancé le débat : le Covid était-il un black swan ou un gray rhino ? Avantage au gray rhino, comme le laisse penser cette célèbre intervention de Bill Gates en mars 2015. Pour la plupart des experts, le risque de pandémie était prévisible : plusieurs événements que nous avons choisi d’ignorer auraient dû nous amener à nous préparer, notamment les épidémies de SARS en 2002, de H1N1 en 2009 et d’Ebola en 2014. 

5Le processus de la prise en compte d’un gray rhino se décompose en 5 phases : 

  • Le déni : “Mais non, tout va bien : il ne faut pas s’inquiéter.” 
  • La confusion : “Ok, il y un risque mais ce n’est pas la peine de s’en occuper parce que… telle ou telle (bonne ?) raison.”
  • Le diagnostic : “Après analyse, voici ce qu’il faudrait faire…” 
  • La panique : L’anxiété est à son comble face à l’imminence de la crise. C’est le moment où nous sommes le plus susceptibles de passer à l’action mais en prenant de mauvaises décisions, car aucun plan d’action n’a été mûrement réfléchi.
  • L’action : enfin, des “courageux” passent à l’action et mettent en œuvre les mesures nécessaires, fédérant le reste des personnes concernées.

6Les prochains gray rhinos. On s’en doute : les gray rhinos les plus menaçants concernent l’environnement. Un exemple parmi tant d’autres : la montée des eaux, inévitable et dangereuse. Et pourtant, la part de la population vivant sur les façades maritimes ne cesse d’augmenter, tout comme le prix de l’immobilier dans les régions côtières.

7Notre incapacité à éviter les gray rhinos alors qu’on les voit venir “gros comme une maison”, renvoie à notre conditionnement au court-terme au détriment du long terme. Nous nous concentrons sur les objectifs du prochain trimestre, sur la nécessité de gagner les prochaines élections… en repoussant à plus tard les menaces que nous connaissons pourtant très bien.


La leçon à retenir

Voici le dicton du jour (ça peut toujours servir) : “un homme averti en vaut deux.” Bon, une femme aussi… 

Pour aller plus loin


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