1La grind ou hustle culture (surperformance pour nos amis canadiens) est cette tendance à mettre le travail au centre de notre vie, à valoriser la productivité au détriment du reste, de tout le reste : nos proches, nos loisirs et même notre santé.
2Cette productivité toxique conduit à une forme d’addiction à la performance, où le sacrifice est sans fin, au nom de la réussite : vous n’arrivez plus à arrêter de travailler, vous refusez de vous reposer, vous vous définissez par votre capacité à produire.
You are not the work you do; you are the person you are.
Toni Morrison
3Ces injonctions se poursuivent dans la vie personnelle : nous “devons” nous améliorer sans cesse, apprendre une nouvelle langue en trois semaines, comptabiliser nos pas, méditer dès cinq heures du matin, etc. Bref, performer même pendant notre temps “libre”. Cette tendance est exacerbée par l’essor des applications de productivité, de tracking santé, de rappels en tout genre qui disent comment faire plus et mieux. Sans parler des exemples “inspirants” sur les réseaux sociaux, abondamment likés et relayés…
4Passé du glamour au repoussoir, Elon Musk est l’incarnation parfaite de la grind culture. Il semble en effet persuadé qu’il doit son succès au fait d’avoir passé toute sa vie à travailler et uniquement à travailler (si on exclut ses 10 enfants…) ! Des semaines de 120 heures, 6 heures de sommeil et des nuits passées au bureau… Miam !
“Nobody ever changed the world on 40 hours a week
Elon Musk
5Les femmes sont les premières victimes de la Grind culture. Encore aujourd’hui, le soin aux enfants repose le plus souvent sur elles, notamment pour aller les chercher à la crèche ou à l’école (voir plus haut). Difficile dans ce cas de rester jusqu’à vingt-et-une heures au bureau. Que dire donc de ces réunions programmées à dix-huit heures, qui pourraient tout autant l’être à neuf heures ? Les solutions :
- Demander à ce qu’elle soit avancée (et vous passez pour une fainéante)
- Demander au papa d’aller chercher les enfants, qui pourrait bien vous répondre qu’il a déjà des réunions prévues (pour lesquelles il s’est engagé sans avoir besoin d’y penser)
- Trouver n’importe quelle solution de garde en urgence (et vous surchargez une autre maman-copine ou confiez vos enfants à n’importe qui, sans compter que vous passez un temps certain à organiser tout ça)
Bref, vous êtes perdante sur tous les plans puisque vous devez aussi être une mère, une amoureuse, une amie, une sportive, etc. “performante” qui pense à organiser les activités des enfants, les dîners à la maison… Épuisant.
6Pourtant, travailler sans limite est dangereux pour la santé. Selon une étude de l’OMS, travailler plus de 55 heures par semaine tue 745 000 personnes dans le monde chaque année, et augmente de 35 % le risque d’AVC et de 17 % les maladies cardiaques. D’après une étude de Deloitte, 77 % des personnes interrogées avaient déjà été en burnout dans leur poste actuel.
7Entre 2015 et 2019, l’Islande a testé sur 1 % de sa population active la semaine de travail écourtée : même salaire pour un temps de travail moindre, selon des modalités souples et adaptables. Résultat : la productivité a été maintenue, voire augmentée, et la qualité de vie des salariés a été améliorée. Un succès… dont devrait peut-être s’inspirer Goldman Sachs avec ses 95 heures de travail par semaine.
La leçon à retenir
Difficile de penser qu’on est productif lorsqu’on est “cramé”…
Pour aller plus loin
- The Slackification of American Home, The Atlantic
- How Grind culture failed women, Pocket
- Le temps domestique et parental des hommes et des femmes : quels facteurs d’évolutions en 25 ans ? − Économie et Statistique n° 478-479-480 – 2015 | Insee
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