1Inutile de chercher la vallée de l’étrange (uncanny valley) sur une carte car ce n’est pas un lieu mais un sentiment. Il s’agit de ce malaise que nous éprouvons face à des robots humanoïdes.
2Masahiro Mori, roboticien japonais, a théorisé ce phénomène en 1970. Dans son article devenu un classique, Mori explique : “j’ai remarqué que, lorsque les robots ressemblent à des humains, nous nous sentons davantage en affinité avec eux, mais seulement jusqu’à un certain point que j’appelle la vallée de l’étrange”. Ce phénomène s’appliquerait également aux jouets, aux marionnettes et même aux prothèses.
3La vallée de l’étrange se décompose en 3 phases :
- Phase 1 : le robot ressemble vaguement à un humain, ce qui ne nous pose aucun problème.
- Phase 2 : le robot ressemble beaucoup à un humain, tout en possédant des imperfections visibles, ce qui génère angoisse et malaise. Nous sommes dans la vallée de l’étrange.
- Phase 3 : le robot ressemble parfaitement à un humain, ce qui provoque un fort degré d’affinité. Nous sortons de la vallée pour retrouver les hauteurs de l’acceptation.
4Messages contradictoires. Le phénomène de la vallée de l’étrange proviendrait de l’inaptitude de notre cerveau à gérer des messages contradictoires. Face à un robot qui nous ressemble beaucoup mais pas entièrement, il perçoit qu’il s’agit à la fois d’un humain et d’un non-humain. Cette dissonance perceptive provoque de l’angoisse.
5Les roboticiens tiennent de plus en plus compte de la vallée de l’étrange. Quelques exemples :
- Exotec, licorne française spécialisée dans la robotique d’entrepôt, a pris en compte ce phénomène. Afin d’éviter toute gêne, ils ont choisi de faire ressembler leurs robots à des valises plutôt qu’à des êtres humains.
- Les prothèses de main : de moins en moins de personnes amputées optent pour des mains réalistes, préférant des prothèses en métal au design plus robotique qu’humain.
- Shrek : la princesse Fiona, trop proche d’une forme humaine, effrayait les enfants lors des premières séances tests. Elle a donc été modifiée pour ressembler davantage à un personnage de dessin animé.
6Le mouvement aussi troublant que l’aspect. La vallée de l’étrange ne s’applique pas seulement à la ressemblance physique. La réplication des mouvements provoque un malaise identique. L’humanoïde Atlas, développé par Boston Dynamics, n’a pas une apparence humaine, mais ses déplacements sont tellement proches de ceux d’un être humain qu’il en devient tout aussi troublant. Autre exemple : l’échec spectaculaire de Cats, la super production hollywoodienne de 2019, devrait beaucoup à la vallée de l’étrange. Les spectateurs n’ont pas apprécié l’aspect trop humain et les mouvements trop réalistes de ces créatures, victimes de la vallée de l’étrange.
7Avec la prolifération des robots et des avatars, il devient stratégique de bien comprendre les effets de la représentation humaine. Le marché mondial de la robotique devrait atteindre 74 milliards de dollars en 2026, contre 27 milliards en 2020, soit une augmentation annuelle supérieure à 17 % (source : Mordor Intelligence). Mais ce n’est rien comparé au tsunami à venir : de 10 milliards de dollars en 2020, le marché des avatars devrait passer à 527 milliards en 2030, soit un multiple de 50 en dix ans (source : Emergen research).
La leçon à tirer
Less is more.
Pour aller plus loin
- La dérangeante interview de Sofia, l’androïde trop humain
- Les sauts périlleux d’Atlas
- Terminator, le plus ressemblant des robots
- La bande annonce de Cats
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